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Paradoxe, lâcheté et hypocrisie




La France dans son ensemble et singulièrement ce qu’il est convenu d’appeler le peuple de droite s’enfonce dans un paradoxe qui n’a d’équivalent que la formidable hypocrisie de ses élites. Le résultat du premier tour des « Primaires de la droite et du centre » est sur ce thème un exemple particulièrement démonstratif. Jugeons en donc :


Les Français veulent le changement, à fortiori la droite après cinq ans de socialisme. On nous annonce qu’ils vont, qu’ils ont, renversé la table. Diantre ! Plus de 4 millions d’électeurs et une grosse poignée de socialiste avouant sans vergogne voter pour faire barrage à Nicolas Sarkozy, ont accordé leurs faveurs (pour 93 % d’entre eux) à deux anciens Premiers ministres et à un ancien chef de l’Etat reléguant la nouvelle génération de responsable (4 candidats qu’il n’est pas même nécessaire de citer tant ils sont apparus insignifiants aux électeurs) dans des scores dérisoires. Tous les trois occupent des charges publiques depuis le début des années 80 soit depuis plus de 35 ans.


De ce tiercé gagnant, les français de la droite et du centre ont qualifié deux candidats qui sont les archétypes de ce qu’il est convenu d’appeler des héritiers. Si la filiation est connue entre Alain Juppé, « le meilleur d’entre nous » et Jacques Chirac, celle entre François Fillon et Joël Le Theule, politicien roué de la Sarthe et des marocains ministériels du septennat Giscard, l’est moins. C’est pourtant la mort subite de son ancien patron qui en fait dés 1981 le benjamin de l’Assemblée Nationale. Le « candidat de la rupture » était déjà parmi les rénovateurs en 1988 avec le résultat que l’on sait...


A entendre nos médias, les Français auraient voulu déjouer les pronostics des Instituts de sondage et s’affranchir d’un duel Juppé-Sarkozy hérité du passé. Force est de constater qu’ils ont surtout réussi à éliminer Nicolas Sarkozy de la vie publique française, ce qui était devenu le premier et principal objectif de ces primaires pour beaucoup. L’ancien chef de l’Etat a toujours connu ce procès en illégitimité et n’avait dû son succès en 2007 qu’au suicide politique de la vieille droite européiste derrière Jacques Chirac et le référendum manqué de 2005 sur la Constitution européenne. C’est le destin de la droite bonapartiste incarnée par Sarkozy en 2007 de devoir ses succès à la fois à la sclérose des droites légitimistes et orléanistes et aux impasses des républicains. Dommage que le candidat de la droite décomplexée, formidable libérateur de la parole publique, ait décidé de rebrousser chemin à l’époque, juste après avoir franchi le pont d’Arcole… Son besoin compulsif d’être adopté par une bourgeoisie et une noblesse d’Etat qui n’en voulait pas le privera d’une seconde chance, les fameux 100 jours. Exit le petit français au sang mêlé et ses relations ambigües avec le Qatar, ce qui ne fut pas le moindre de ses fautes pour une oligarchie nationale habituée aux circuits de la corruption ordinaire avec le régime wahhabite des Al-Saoud.


Le septuagénaire Alain Juppé perd de ce fait une bonne partie de son utilité, lui qui avait cru habile de fonder sa campagne, comme un certain François Hollande en 2012, sur le rejet exclusif de Nicolas Sarkozy. Le « Hollande de droite » qui par mimétisme actif avait fini par ressembler physiquement à son ancien mentor Chirac, s’apprête à retourner définitivement sur ses terres d’Aquitaine la semaine prochaine, à moins d’une prise de pouvoir assez peu probable tout de même des électeurs de gauche (et du FN…) sur la primaire de la droite. C’est une malédiction qui frappe la génération de 68 dont est issu Alain Juppé d’avoir conquis tous les leviers du pouvoir sauf la magistrature suprême, génération parricide du fondateur de la Vème République, Charles de Gaulle.


Il revient au « souverainiste » François Fillon, ancien collaborateur de Philippe Seguin, grand opposant à l’Europe de Maastricht, de tourner définitivement la page du dernier des représentants, en vie politiquement, des « énarques de la ville de Paris », fondateur de l’UMP, Alain Juppé, qui a trahi avec son mentor Jacques Chirac l’héritage du gaullisme, à tout le moins la tradition d’indépendance des grands hommes d’Etat français. Voilà une situation qui ne manque pas de paradoxes ! Il faut dire que tout paraît emprunt d’une profonde ambiguïté et d’une étonnante ambivalence dans la trajectoire publique de François Charles Amand Fillon. Que le nouveau favori de la primaire soit le candidat de Sens Commun, émanation Républicaine de la Manif pour Tous, n’ait pas le moindre des paradoxes pour cet héritier de Joël Le Theule, homosexuel assumé. Faut-il interpréter d’ailleurs le ralliement tardif et avéré de Valery Giscard d’Estaing, père de la constitution européenne, à un eurosceptique de la première heure tel que François Fillon, comme la nostalgie de « l’Ex » pour un de ces anciens ministres ? Il faut dire qu’en 2007, le Premier ministre Fillon participa activement à la forfaiture du traité de Lisbonne, véritable copier-coller de la défunte constitution européenne. François Fillon est un admirateur du chef de la France Libre, ce qui lui fit dire, pour commenter les affaires qui hypothéquaient la candidature de Nicolas Sarkozy en 2017, qu’on n’aurait pas imaginé de Gaulle dans cette situation. Premier ministre pendant cinq ans de son rival aux primaires, il n’avait pourtant jamais eu jusqu’ici un mot pour dénoncer une situation judiciaire qui ne date pas d’hier.


Il faut dire que François Fillon, qui a fait de son programme économique et financier sa ligne de force, s’acclimate de beaucoup de choses dans sa vie publique. Souvenons-nous du constat implacable de faillite des finances publiques en 2007 qui ne l’empêchera pas de rendre 5 ans plus tard à ses successeurs une situation encore plus sinistrée. C’est ce qui trouble le plus dans la personnalité du futur champion de la droite et du centre, cette faculté à s’arranger de tout, jusqu’au pur et simple déni de la réalité qu’il partage avec notre élite finissante. Souverainiste revendiqué, il ne remet pas en cause les institutions de Bruxelles et en adopte même le dogme de réduction de l’endettement et du déficit budgétaire. Défenseur de la famille et de la filiation, il admet sans sourciller le droit à l’adoption pour deux personnes du même sexe. S’il cultive l’image inflexible de l’homme d’Etat, à la limite de la rigidité, on subodore chez lui une personnalité caméléon. Honnête adepte de la civilisation européenne et judéo-chrétienne, il n’envisage pas de mettre fin au regroupement familial et souhaite seulement réduire de moitié le flux migratoire. Ses positions sur l’Islam se réduisent à l’anecdotique interdiction du Burkini.


Il n’en aura pourtant pas fallu plus pour que la gauche se réveille enfin et crie à l’ultra libéralisme et au conservatisme moisi de François Fillon. Le faux clivage droite-gauche pourrait être ainsi réactivé pour le grand bénéfice de notre caste nationale. Le Front National, tout à son entreprise de dédiabolisation, en paiera le prix le plus élevé, face à un candidat qui possède, à tort ou à raison, une crédibilité économique, que l’opinion publique refuse à Marine Le Pen. Ayant abandonné le terrain traditionnel de la droite dure voir extrême, le Front nouvelle manière pourrait même connaître une ligne d’étiage qui ferait du score de Jean Marie Le Pen en 2007 un étalon difficile à atteindre. On croyait la droite républicaine prise en étau entre le centre européiste et la droite extrême, c’est peut-être finalement le Front national « attrape-tout » concurrencé par le souverainisme libéral des légitimistes de droite et la gauche radicale tendance Mélenchon qui pourrait être privé d’espace, faute d’avoir voulu l’incarner au travers le créneau de la droite nationale. Etre favori des sondages beaucoup trop tôt n’est décidemment pas une sinécure…


Mais au-delà de l’anecdotique microcosme des professionnels de la politique, des ruptures qui ne sont que des postures, il y a peut-être beaucoup plus grave. Que François Fillon nous mente effrontément et qu’importe après tout s’il croit lui-même ou non à ses balivernes et autres boniments, cela n’est pas nouveau. Mais que les Français soient prêts et nous le sentons bien ainsi, à adhérer à ce discours, au risque de se mentir à eux- même, par lâcheté manifeste et refus de voir la réalité en face, voici qui est bien plus grave. Il règne en France aujourd’hui une hypocrisie délétère. C’est une fois encore Nicolas Sarkozy qui la reflétait le mieux, ce miroir qu’il tendait à la société française n’étant pas pour rien dans la haine tenace dont il fut jusqu’au bout de sa carrière politique l’objet (A coté de lui, l’impopularité de François hollande est moindre car surtout le produit du mépris et un jour peut-être même de la commisération). Nicolas Sarkozy a tenu durant cette campagne une ligne très proche de celle de Donald Trump aux Etats-Unis, enfourchant des thèmes de campagne qui le situait bien à droite des positions actuelles du Front national. Il était pourtant le premier à annoncer qu’il préférait encore voter pour François Hollande que pour Marine Le Pen.


C’est là un incroyable péché contre le simple esprit de bon sens et en même temps une immense lâcheté, ce qui surprend tout de même à demi de la part de Nicolas Sarkozy sauf à considérer que ce politicien hors pair aura voulu jusqu’au bout refléter les contradictions du Peuple qu’il prétendait vouloir représenter et non sans un certain panache d’ailleurs. L’épitaphe pour l’ancien président viendra hier soir de son Premier ministre qui reconnut dans son discours que Nicolas Sarkozy aura quand même été président (Sic !). Ce qui avait probablement été sa plus grande faute mais qu’on lui reconnait néanmoins une fois ce dernier mort politiquement. Que le peuple de France prenne garde qu’il n’en soit un jour prochain de même pour lui ! Il faut dire que l’élection éventuelle de François Fillon à la présidence de la République ne résoudra rien, risquant plutôt de précipiter une crise trop longtemps contenue. En effet, au jeu de la fausse alternance, les politiciens de droite savent que leurs velléités de réforme se brisent toujours sur les récifs de la contestation sociale et de la rue. Sachant qu’aujourd’hui la rue, nous en avons vu les simples prémices avec « Nuit Debout », ce ne sont pas uniquement les syndicats et la gauche traditionnelle mais aussi des casseurs, les « No Borders », leurs clients les migrants et enfin l’immense flot issu des racailles et de « l’islamo-business » des banlieues.


Le mot de la fin au général de Gaulle dans les mémoires de Guerre : « J’ai, d’instinct, l’impression que la Providence l’a créée [la France] pour des succès achevés ou pour des malheurs exemplaires ». Il est à craindre que l’apothéose nationale espérée devra en passer par des catastrophes salvatrices. Ce que l’homme ne veut pas apprendre par la sagesse, il l’apprendra par la souffrance.


NS


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