CA BOUGE A DROITE
Philippe de Villiers, Eric Zemmour et Patrick Buisson se rencontrent, dit-on, régulièrement pour suivre la campagne des présidentielles.
Le but de Patrick Buisson serait de casser Sarkozy, qui d'ailleurs baisse sérieusement dans les sondages. On lui prête là une préoccupation bien mesquine : ne pourrait-on imaginer que l'ancien conseiller de Sarkozy , dans ses spéculations stratégiques, pense aussi à son pays ?
Fort du succès de son livre, Philippe de Villiers annonce dans Le Parisien: " Pour 2017, je n'exclus rien" .
D'autres personnalités marquées à droite seraient intéressées par la démarche: Henri Guaino, pour le moment fidèle à l'ancien président, mais sans illusions, Nadine Morano qui a elle aussi un compte à régler, Robert Ménard et même à présent Aymeric Chauprade et, sous toutes réserves...Marion Maréchal Le Pen.
Cette agitation est propre à donner à nouveau de l'espoir à ceux qui ne se reconnaissent pas dans les choix proposés aux Français depuis que la pré-campagne a commencé, en particulier parmi les patriotes eurocritiques.
Les uns se désolent que , malgré l'hostilité à l'euro et à l'Europe d'une partie des militants des Républicains , tous les candidats à la primaire annoncée: Juppé, Sarkozy, Fillon, Le Maire, Bertrand, Mariton soient partisans de l'euro. Dans son dernier livre , Fillon , qui fut pourtant un proche de Séguin, partisan du non au référendum de Maastricht (1992) propose même l'instauration d'une gouvernance économique de la zone euro. Seul des candidats affichés, Jean-Frédéric Poisson , successeur de Christine Boutin à la tête du Parti chrétien-démocrate, avance une autre option.
L'aboutissement est que, si l'on s'en tient aux seuls grands partis à même de propulser un candidat au second tour, seule la candidate du Front national, Marine Le Pen, propose une option alternative sur l'euro. Or il s'en faut de beaucoup que tous les opposants à la monnaie unique, notamment les gaullistes, se reconnaissent dans ce parti.
Des interrogations existent aussi sur les suites de la Manif pour tous. Si l'on considère que l'opposition au mariage des homosexuels menée par Frigide Barjot fut le grand mouvement social de droite du quinquennat Hollande et même de l'histoire de France, on ne peut qu'être perplexe à l'idée que la future majorité de droite fasse comme s'il ne s'était rien passé. C'est pourtant là l'attitude clairement affichée de gens comme Alain Juppé ou Bruno Le Maire, voire François Bayrou. La promesse de Nicolas Sarkozy d'"abroger la loi Taubira" a été faite aux militants de "Sens commun" du bout des lèvres . Fillon garde le silence. Nicolas Dupont-Aignan et même Marine Le Pen sont aussi discrets. Seuls Mariton et Poisson, dont on ne saurait dire qu'ils sont en première ligne, affichent leur volonté de rapporter la loi Taubira.
Sur d'autres sujets, la proposition politique de la droite classique semble bien décevante à beaucoup: on y retrouve les poncifs les plus éculés de la technocratie, qui ont déjà montré leur inutilité ou leur danger : rémunération au mérite ou suppression du statut de la fonction publique ( qu'un Macron se taille un succès à droite en faisant des propositions de ce genre est assez accablant ! ), réduction du nombre de députés ou des ministres , suppression du millefeuille territorial ( ce qui, en l'état actuel des choses, implique la suppression de la commune, que personne ne souhaite ), renforcement des pouvoirs des chefs d'établissements scolaires ( encore heureux s'ils utilisaient ceux qu'ils ont déjà !), suppression des 35 heures ( mais pourquoi la droite qui était aux affaires de 2002 à 2012 ne l'a-t-elle pas fait ? ) Bref l'imagination n'est pas encore au pouvoir de ce côté là.
Il est clair qu'il manque quelque chose à l'offre politique entre le Front national et les Républicains. Or , compte tenu de la droitisation de l'opinion , du rejet croissant, sinon de l'euro, du moins de l'Europe, de l'exaspération qu'ont provoquée chez beaucoup l'attitude jugée irresponsable d'Angela Merkel vis à vis des "migrants" et , plus généralement, de l'impuissance européenne, c'est sans doute là que se situe désormais le centre de gravité de l'électorat.
Si Nicolas Sarkozy émerge de la primaire comme le candidat républicain, il aura sans doute l'habileté, de manière plus ou moins déterminée ou sincère, de se positionner sur ce créneau. Mais si c'est Juppé qui l'emporte, une vaste espace politique se trouvera dégarni entre l'ancien premier ministre de Chirac qui, de son propre aveu, se positionne au centre gauche et la candidate du Front national. Or la nature a horreur du vide, la nature politique particulièrement.
Pour le moment nous n'en sommes qu'aux manœuvres d'approche des uns et des autres. Mais il est sûr qu'une candidature come celle de Philipe de Villiers ( ou Zemmour, pourquoi pas ?), ne déstabiliserait pas seulement l'ancienne UMP et singulièrement Nicolas Sarkozy, mais tout autant Marine Le Pen qui ne se trouverait dès lors plus aussi sûre d'accéder au second tour.
En tous les cas tous ceux que désespérait une offre politique en mal de renouvellement, suivront avec attention ces frémissements.
Roland HUREAUX